Sans doute attristé par le four de son précédent film,
Big Trouble, sorte de suite de Get Shorty lui tenant particulièrement
à coeur, Barry Sonnenfeld trouve en Men in Black 2 l'occasion
de se refaire une belle santé financière - sinon artistique. Peu
dupe de son statut d'habile faiseur sur cette suite somme toute assez attendue,
Barry Sonnenfeld n'hésite pas à faire usage de son humour caustique
et à nous régaler de quelques anecdotes amusantes lors de son
passage à Paris en juillet dernier.

La suite de Men in Black était-elle prévue dès
le premier opus ?

Non. Quand nous avons fait le premier film, nous n'avions pas du tout prévu
de faire une suite, et c'est d'ailleurs bien pour cette raison que le studio
nous a laissés à la fin du film neutraliser la mémoire
du personnage de Tommy Lee Jones et l'envoyer dans le Massachussets! De même,
nous n'avions pas en tête un troisième épisode pendant la
réalisation du second. Néanmoins, Will Smith a une idée
extrêmement brillante pour un troisième épisode.

Faire une suite de Men in Black impliquait-il de respecter au mieux
le premier ou d'aller un peu à l'encontre des attentes du public ?

Cela dépend du film qu'on fait. Quand on fait un James Bond, il y a
des règles évidentes de fidélité à respecter.
Il faut une très bonne séquence d'ouverture avant le traditionnel
générique plein de flammes et de femmes dénudées,
il faut des voitures très cool, etc. Dans le cas de Men in Black,
c'est surtout l'effet de surprise qui avait joué, ce film n'était
pas forcément attendu mais avait saisi l'engouement du public. Comme
il n'était pas possible de créer le même effet de surprise,
nous avons avant tout essayé de faire le film le plus drôle et
distrayant qui soit. Nous avons rapidement convenu que le film ne se ferait
pas sans Will et Tommy, qu'il fallait reprendre certains personnages populaires
comme Frank le Chien et L'Homme Ver, et surtout ne pas céder à
ses faiblesses personnelles en essayant de créer un quelconque semblant
d'histoire! (Rires)

On connaît bien vos penchants pour la comédie caustique. Derrière
la bonne humeur des Men in Black ne se cacherait-il pas, en fait, une vision
plus pessimiste du monde?

Pour moi, les films Men in Black présentent des personnages qui
sont si héroïques que non seulement ils doivent sauver le monde
mais en plus empêcher quiconque d'avoir vent de leur mission. C'est une
destinée plutôt triste et solitaire, mais c'est ce qui fait d'eux
des héros. Je ne pense pas que les Men in Black soient particulièrement
pessimistes. Par contre, ces films vous disent que tout ce qu'ont dit les experts
dans l'histoire des hommes est souvent faux. Non, la terre n'est pas le centre
de l'univers, non elle n'est pas plate... Quand j'étais au lycée,
on m'a enseigné que l'univers avait commencé avec le big bang,
mais que son expansion s'arrêterait un jour et qu'il finirait par se rétracter
avant d'exploser à nouveau. Cependant, il y a cinq ans, les savant ont
découvert qu'ils s'étaient aussi trompés sur ce point et
que l'univers allait continuer de se dilater indéfiniment... Ainsi, le
propos des films Men In Black est de vous dire que tout ce que vous avez
pu entendre un jour d'un expert, d'un politique, d'un chargé d'autorité
quelconque est peut-être faux, et que vous devriez plutôt suivre
votre propre entendement... Dans le prolongement de ce thème, Men
in Black 2 exploite aussi le thème des apparences trompeuses. Ainsi,
je trouve particulièrement jouissif que la belle Lara Flynn Boyle soit
dans le film un être constitué d'horribles matières visqueuses
et gluantes. Voilà ce que je retiens des films Men in Black. Ca,
et le salaire aussi!

Comment s'est déroulé le travail avec le maquilleur Rick Baker
?

Nous avons examiné beaucoup de photographies de la faune sous-marine.
J'ai désigné les créatures qui me semblaient intéressantes
et Rick Baker a commencé de dessiner des personnages. Je l'ai ensuite
aidé à assembler les parties de chaque personnage qui me semblaient
les plus intéressantes.

D'où vous est venue l'envie de vous moquer ainsi des facteurs ?

De ma vie personnelle! (rires) Enfant, je vivais dans une région où
si le temps était mauvais, s'il neigeait, le facteur ne venait plus pendant
4/5 jours! Maintenant, je vis dans un endroit où les facteurs ne viennent
même pas, il faut en fait que j'aille en voiture jusqu'à la poste!
Cependant, le bermuda que porte Tommy Lee Jones dans le film était entièrement
son idée. Nous avons en fait commencé le tournage du film sans
Tommy, qui était pris sur un autre tournage dans l'Orégon. La
costumière de Men in Black 2 est donc allée sur place pour
lui faire essayer son costume de facteur et vérifier si sa corpulence
n'avait pas trop changé. Elle m'a ensuite appelé, inquiète,
pour me dire que Tommy se voyait bien porter un bermuda! J'ai répondu
que c'était une excellente idée mais que j'avais d'abord envie
de voir ça en photo! Vous savez, Tommy se défend toujours d'être
drôle, d'avoir le sens de l'humour, mais il se défend en fait pas
mal! Même si je ne lui ai pas laissé porter le casque-ventilateur
qu'il voulait absolument avoir dans une scène! (Rires)

Michael Jackson a t-il réalisé que vous vous moquiez gentîment
de son image publique ?

Ah bon, j'ai fait ça, moi? (Rires) Michael Jackson avait vu le premier
film à Paris, il l'avait adoré et il m'a appelé pour savoir
s'il pouvait faire une apparition dans le second. Ce qui m'a fait très
plaisir parce qu'il avait décliné mon invitation à l'époque
du premier. Nous avons donc fait en sorte de lui écrire une scène
où il pouvait porter un costume d'homme en noir, ce à quoi il
tenait vraiment. Mais je ne savais pas que je me moquais de lui! (Sourire)

Quelle scène aviez-vous prévu avec lui dans le premier film
?

C'était une scène où l'on montrait sur un écran
diverses célébrités étant en fait des extraterrestres.
Il y avait Sylvester Stallone, George Lucas, Steven Spielberg, Danny de Vito...
Je voulais aussi avoir Michael dans cette gallerie mais il n'a pas voulu. Il
est vrai que les vrais extraterrestres n'aiment pas trop se montrer! (Rires)
Toutefois, Michael et moi sommes très bons amis aujourd'hui.

Frank le Chien est-il une véritable star aux Etats Unis ?

Eh bien, le week end de la sortie de Men in Black, j'ai reçu un appel
du producteur me disant : "Nous voulons faire un film avec Frank".
Je lui ai répondu : "N'y pense même pas! Frank est un personnage
amusant parce qu'il est associé à Will et Tommy". Ainsi,
la scène où Frank chante "I Will Survive" aux côtés
d'un Will Smith en colère possède beaucoup de relief comique que
sans Will.

Avec le recul, quel regard portez-vous sur l'expérience de Big
Trouble ? Ne pensez-vous pas que la sortie de ce film a été
en quelque sorte sacrifiée ?

Il es vrai que les conditions de sortie de ce film n'ont pas été
idéales. J'adore Big Trouble. Pour moi, c'est totalement la suite
de Get Shorty. C'est un film drôle, malin, plein d'acteurs talentueux
plongés dans des situations farfelues et jouées avec une totale
conviction. Tous mes films sont commes mes enfants. Certains sortent de leurs
études diplômés, d'autres non. Mais je les aime tous parce
que je vis longtemps avec chacun d'entre eux et qu'ils représentent tous
quelque chose de spécial.

Propos recueillis par Robin Gatto