Le cinéma indien au centre Pompidou
En 1983 et 1985, le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou rendait hommage à l’ensemble de la cinématographie indienne et à ses stars. Vingt ans plus tard, en France, un nouvel intérêt semble se dessiner autour de cette cinématographie, avec une curiosité toute particulière pour son cinéma dit « Bollywood ».
Le succès du film Lagaan, distribué au cours de l’année 2002, relayé par celui de Devdas, pour lequel le festival de Cannes organisait une projection spéciale, et dernièrement la nomination de la star Aishwarya Rai comme membre du jury de ce même festival en 2003 en attestent. C’est au cœur de cette actualité que le Centre Pompidou présente de février à avril 2004 une rétrospective « Bollywood», célébrant ainsi les grandes œuvres, les pièces maîtresses de ce cinéma des années 30 à nos jours.
Si le mot «Bollywood», couramment employé à l’étranger aujourd’hui pour désigner les grands mélodrames du cinéma populaire indien, avec leurs codes spécifiques (danses, chants et musiques), semble évoquer le désir d’un cinéma-spectacle, miroir de Hollywood, il convient alors de lever les ambiguïtés, d’en révéler enfin toute la richesse et la diversité.
C’est à l’origine même du spectacle vivant et de la tradition orale en Inde qu’il faut remonter pour saisir pleinement les bases sur lesquelles ce cinéma s’est constitué, parallèlement au nôtre, dès sa naissance. Vient alors l’image des conteurs qui, sur les places publiques, dans les palais ou les écoles, parcouraient le pays, récitant, rejouant les innombrables épisodes des textes fondateurs, du Mahabharata, du Ramayana, etc. Ils rythmaient ainsi des heures durant ces histoires mythiques, prenant un instrument de musique, interprétant les chants ou poèmes chantés que l’auteur avait parfois lui-même consignés dans son récit. En Inde, le cinéma est venu s’inscrire dans le prolongement de cette tradition, faisant appel aux poètes, musiciens et chorégraphes, à la recherche d’un spectacle complet.
Les studios se sont peu à peu développés dans tout le pays, de Bombay à Madras, en passant par Calcutta et Trivandrum, rivalisant par le nombre et la qualité de leurs productions. Décors des mille et une nuits, enluminures, armées de figurants, cohortes d’éléphants, effets spéciaux, castings mémorables de stars qui s’élèvent aussitôt au rang de demi-dieux, musiques et chants repris en chœur dans tout le pays : sont réunis tous les ingrédients d’une féerie qui embrase les foules et les transporte dans le monde merveilleux de l’imaginaire, bien au-delà de l’âpreté de leur quotidien. Certes, l’énorme volume de production de cette industrie (qui dispute la première place aux États-Unis) ne comporte pas que des joyaux, mais les grandes œuvres de ce cinéma traditionnel populaire sont devenues des classiques (certains films sont restés plus de 100 semaines à l’affiche).
Elles ont su, au fil du temps, à la fois faire rêver un large public et convaincre bien des cinéphiles par leur originalité. Si les thèmes abordés se répètent souvent, déchirements familiaux, amours contrariées, combats sociaux ou politiques, fresques historiques, épopées mythologiques, les scénarii ne répondent pas seulement à l’attente du public, ils sont parfois plus complexes, offrent plusieurs niveaux de lecture et reflètent les questionnements profonds de la naissance et de l’évolution d’une nation encore toute jeune.
Une société indienne où tradition et modernité se confrontent.
Cette rétrospective entend donc faire la lumière sur les faces cachées du mot «Bollywood», à la découverte des films et des cinéastes qui aujourd’hui encore font rêver, chanter, danser et penser des millions de spectateurs.
Elle s’organise en deux temps. Une première partie rend hommage à cinq maîtres de l’âge d’or du cinéma indien populaire des années 50. Une deuxième partie établit, de façon thématique, des ponts entre différentes époques et met en parallèle les diverses industries régionales des années 30 à nos jours.
Nadine Tarbouriech
Liste complète des films présentés.