La radiodiffusion de service public : financement et contrôle des offres
Les tendances actuelles au niveau du paysage télévisuel européen révèlent que le financement de la radiodiffusion publique connaît un bouleversement stratégique. Jeudi dernier, le Tribunal de l’Union européenne a donné son feu vert pour que l’Etat français accorde 150 millions d'euros à l’organe de radiodiffusion public France Télévisions, en dépit de l'opposition des chaînes privées TF1 et M6 qui ont tenté de faire annuler l’accord initial de la Commission. Parallèlement, la question du financement public des nouveaux services de médias des grands radiodiffuseurs publics et les problèmes que cela soulève en matière de concurrence font l’objet de vives controverses. L'Observatoire européen de l'audiovisue, qui fait partie du Conseil de l'Europe à Strasbourg, vient de publier son dernier rapport IRIS plus sur ce thème. Ce rapport intitulé
Le financement et le contrôle des offres des radiodiffuseurs de service public
a été produit par l'Institut de droit européen des médias de Sarrebruck. L’auteur, Christian Bron, replace le débat actuel sur le financement de la radiodiffusion de service public dans le cadre de la recommandation 1878 de l'an dernier de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui constate que « le public accepte de moins en moins le financement des radiodiffuseurs de service public, étant donné l’augmentation des contenus audiovisuels disponibles sur Internet. »
Christian Bron ouvre son rapport par une présentation du cadre législatif européen régissant actuellement le financement et le contrôle des services de médias publics. La législation de l'UE (Protocole d'Amsterdam de 1997) permet de financer le service public de radiodiffusion, «dès lors que ce financement est accordé « aux fins de la mission de service public » et qu’il n’altère pas les conditions des échanges et de la concurrence. Dans la Communication (révisée) de 2009 sur la radiodiffusion, la Commission fait la distinction entre deux modes de financement : le «financement unique», qui recouvre le financement de la radiodiffusion exclusivement par des fonds publics, sous quelque forme que ce soit, et le «financement mixte», où les radiodiffuseurs publics peuvent être financés à la fois par des ressources d’Etat et par des recettes provenant d’activités commerciales, telles que la vente d’espaces publicitaires ou de programmes. Par ailleurs, le Conseil de l'Europe a publié plusieurs recommandations sur le financement et le contrôle de la radiodiffusion de service public et la Cour européenne des droits de l'homme a eu souvent l’occasion d’examiner divers aspects de la loi sur la radiodiffusion.
Le rapport propose ensuite une analyse pertinente pays par pays des modèles de financement des médias de service public dans les États membres. La décision prise par l’Allemagne, il y a 3 semaines, de prélever la redevance sur la base des foyers et non plus de la détention d’un ou plusieurs récepteurs, est reprise dans la section des reportages. D'autres pays, comme la Finlande, la France, l'Autriche et les Pays-Bas, sont également analysés au vu de leur mode de financement de la radiodiffusion publique. Cette analyse révèle un mélange très disparate des modèles en place, l'élément commun entre la plupart des pays étant un processus de réforme en cours des systèmes de financement et de la législation correspondante pour s'adapter aux réalités du marché.
La question du financement public des radiodiffuseurs publics est indissociable de celle des contenus de service public diffusés et proposés par les radiodiffuseurs. Christian Bron consacre donc un chapitre au contrôle de l’utilisation des fonds et des services par les médias publics. Une étude pays par pays révèle que, dans la plupart des cas, les Etats « ont mis en œuvre ou s’apprêtent à introduire des changements dans leur législation, principalement à la suite des décisions rendues par la Commission dans ses procédures de contrôle des aides d’Etat. » Le rapport cite l'exemple de l'Espagne, où la Commission a récemment ouvert une procédure formelle d'examen pour étudier un nouveau système de financement du radiodiffuseur public RTVE .
Christian Bron conclut son rapport en précisant que plusieurs pays sont actuellement en train de s'éloigner du modèle de la redevance pour le remplacer par « une contribution "médias" globale, ou des sommes allouées directement sur le budget de l’Etat ». Toutefois, quels que soient le modèle de financement adopté et la procédure de contrôle mise en place pour surveiller l’utilisation des fonds et les offres proposées, Christian Bron insiste sur l'importance de préserver l'indépendance en matière de programmation : « En droit européen et dans les droits constitutionnels nationaux, l’autonomie de la programmation est une composante particulièrement bien protégée de la liberté de fournir des émissions de radiodiffusion. »
Cet article de fond est suivi de brefs reportages sur les derniers développements en Europe concernant le financement et le contrôle des radiodiffuseurs publics. Enfin, la section ZOOM fournit un tableau comparatif sur les services de médias financés publiquement qui ont été soumis à un examen de conformité avec leur mission de service public. Ce tableau indique les résultats des examens et répertorie les procédures qui sont en cours actuellement. La section ZOOM comprend également des statistiques sur les revenus d'exploitation des radiodiffuseurs publics dans les 27 États membres de l'UE ainsi que l'analyse de la croissance du bénéfice d'exploitation de ces organisations.