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Martin Scorsese Masterclass in Cannes

 

 

 

Kobayashi III : L'Homme qui marche sur la Croisette

1999: Un Certain
Regard. 2000: La Quinzaine des Réalisateurs 2001: Un Certain Regard.
Depuis 3 ans, Masahiro Kobayahi goûte aux joies de la compétition
cannoise, et même si elle ne lui a pas réussi jusqu'à présent,
elle lui a permis de se faire un nom chez les cinéphiles du monde entier,
amoureux de ses films étranges tournés dans le Grand Nord japonais,
là où les neiges ne fondent que sous l'effet des passions humaines.
Avec Aruku Hito (L'Homme qui Marchait dans la Neige), Kobayashi
retrouve Ken Ogata, l'un des acteurs fétiches de Shohei Imamura, et nous
offre une "ballade" familiale étonnamment émouvante...

Ce film semble
très autobiographique. Il est en effet dédié à votre
mère. Etait-ce un projet que vous portiez en vous depuis longtemps?

Le premier scénario
a été écrit il y a 15 ans, l'année où ma
propre mère est morte. C'était un scénario très
simple, pas du tout commercial. L'année dernière, Ken Ogata a
été le premier à lire ce scénario, et c'est lui
qui m'a vraiment incité à tourner le film. C'est lui qui est à
l'origine de la réalisation du film. Je voulais absolument le présenter
à Cannes, du coup j'ai eu très peu de temps pour le préparer,
pour rassembler des fonds, et j'ai fait un tournage rapide, avec très
peu de moyens. Mais je suis très content de l'avoir réalisé.

Ken Ogata est
l'acteur des plus grands films de Shohei Imamura, vous lui aviez déjà
donné un rôle excellent dans Koroshi (le mystérieux
commanditaire des meurtres, ndr), et vous lui offrez un nouveau rôle en
or dans L'Homme... Racontez nous comment vous l'avez rencontré
et comment votre relation s'est établie...

Je l'ai rencontré
au moment de Koroshi. Il avait déjà vu Bootleg Film
à Cannes et il n'avait pas aimé. Donc, au début, la relation
n'était pas aussi évidente que ça... Mais en travailant
sur Koroshi, petit à petit, nous avons appris à nous connaître,
et à créer une relation assez intime. Et nous sommes finalement
devenus très amis. Et une fois le tournage terminé, Monsieur Ogata
m'a téléphoné pour me dire: "Il faut absolument que
tu fasses un autre film, et il faut absolument qu'il soit présenté
à Cannes l'année prochaine!" (rires) Alors, nous avons beaucoup
discuté de ce nouveau film et j'ai d'ailleurs utilisé dans L'Homme
qui Marche...
certaines répliques tenues par Ken Ogata dans nos discussions.

Jusqu'à
quel point le premier scénario écrit il y a 15 ans a t-il été
remanié?

Le premier scénario
était situé dans une quartier populaire de Tokyo, Shitamachi (le
quartier ou Kitano a grandi, ndr) Le premier changement est donc un changement
de lieu, puisque je suis passé de Tokyo à Hokkaido. Le deuxième
changement, c'est le fait que la copine du personnage du frère aîné,
Ryoishi, est enceinte, est ça c'est lié à ma vie personnelle,
puisque ma femme est enceinte et va accoucher en août (sourire), et ensuite
le troisième changement, c'est qu'à la place de l'élevage
de poissons, c'était un hopital où, tous les jours, le personage
de Ken Ogata se rendait pour faire un examen médical. En fait, il n'était
pas forcément malade, mais il était hypocondriaque.

De quelle manière
aviez-vous envie de filmer les acteurs cette fois-ci?

J'avais envie de
trouver un nouveau style par rapport à Bootleg Film et Koroshi.
J'ai fait des plans larges, des panoramiques, et des gros plans, et j'ai voulu
justement travailler le contraste entre les deux. Il y a une certaine influence
de la Nouvelle Vague: Truffaut, Godard. Les plans larges sont plus dramatiques,
les gros plans à la main ont un côté un peu plus documentaire.

En voyant les
scènes où Ken Ogata porte une jeune femme sur son dos, c'est impossible
de ne pas penser à La Ballade de Narayama. S'agissaient-il de
clins d'oeil amoureux à ce film?

Ces scènes
n'étaient pas dans le scénario initial. C'est pendant le tournage
que je les ai proposées à Ken ogata. Il m'a demandé: "Mais
pourquoi?" Et je lui ai dit: "Eh bien, ce serait pour parodier un
peu La Ballade de Narayama..." Et en fait, ça lui a beaucoup
plu! (rires) La parodie se trouve aussi dans le fait que la deuxième
fois ce n'est pas Ogata qui porte la jeune femme, mais l'inverse.

Toujours en
référence à Imamura, on pourrait dire que la neige de L'Homme...
est beaucoup plus imamurienne que celle de Koroshi...

La neige est un
élément qui collabore au tournage, à la réalisation
de mes films. Au moment de Koroshi, il a neigé très, très
fort, le tournage était très difficile. Cela a peut-être
joué sur la manière dont le film a été réalisé.
Alors que pour L'Homme..., il n'a pas neigé autant, les conditions
climatiques étaient plus clémentes, et donc le tournage plus facile
à faire. Cela a du jouer aussi sur l'ambiance du film.

Qu'est ce qui
vous pousse à tourner à Hokkaido?

Tokyo est une ville
tellement dense, il est très difficile de filmer une personne isolée,
des choses bien précises, alors j'ai voulu aller dans un endroit beaucoup
plus désert, esthétiquement minimaliste. Seulement voilà,
Sapporo aussi est une grande ville, c'est pourquoi j'ai choisi une ville beaucoup
plus petite, désertique (Mashike), pour pouvoir y mettre tout ce que
que je voulais, et en particulier dans la neige, je peux mettre les éléments
que je veux. C'est comme un échiquier blanc sur lequel je mets les pièces
de mon choix.

Les grandes
scènes de dialogue en plan large ont-elles été improvisées,
ou étaient-elles très écrites?

Tous les dialogues
ont été écrits et bien préparés à
l'avance. Il n'y a eu aucune improvisation.

Le début
du film fait très film muet, avec une musique entraînante, des
cartons sous forme de senryû (haiku populaires)...

J'aime beaucoup
les premiers films d'Hitchock, et les films muets en général.
Donc j'ai effectivement eu envie de faire un film dans ce style là.

Avez-vous écrits
certains des senryû?

C'est Ken Ogata
lui-même qui les a inventés et écrits de sa propre main
pendant le tournage. Ken Ogata a voulu exprimer ses propres sentiments à
travers les senryû, et au début il a proposé de les dire
devant la caméra. Mais ensuite j'ai eu l'idée de les mettre sous
forme de "cartons".

Est-ce que certaines
scènes de dispute familiale ont été un peu dures à
tourner, en raison de leur aspect autobiographique?

Ce qui s'est passé,
c'est qu'au début
du tournage, Ken Ogata avait une idée très précise du père
et de la manière dont il voulait le jouer. Au fur et à mesure
du tournage, je réalisais que l'acteur qui joue le rôle du fils
aîné, Ryoichi, jouait vraiment moi-même au même âge.
Et au fur et à mesure que Ken Ogata et Teruyuki Kagawa jouaient ensemble
les scènes de conflit, à la vue de ces scènes, je me remémorais
ce que j'avais moi-même vécu à l'âge de 15 ans et
c'est à partir de là que le film a été assez douloureux
pour moi émotionnellement. Ken Ogata ressemblait de plus en plus à
mon propre père... J'avais l'impression de retourner 15 ans en arrière.

Comment vous
sentez-vous après avoir tourné un tel film? Cela a t-il eu comme
un effet thérapeutique? Ou faut-il relativiser en se disant que ce n'est
jamais qu'un film?

Maintenant, je
suis en train de penser à faire un film sur ce qui m'est arrivé
avant, ou ce qui m'arrivera dans 15 ans. Je veux mettre de côté
cette expérience maintenant. Pas forcément oublier, mais raconter
la suite. Que devient Ryoichi après ce qui s'est passé. Si ce
film marche bien, j'aimerais bien faire la suite. Pourquoi pas une trilogie?
(rires)

Entre Closing
Time
et ce film, il y a une prise de maturité incroyable, et plus
la maturité vient, plus vos films sont autobiographiques... En êtes-vous
conscient?

En fait, je trouve
que L'Homme... est très proche de Closing Time, et Koroshi
très proche de Bootleg. Avec L'Homme..., je retrouve en
fait ce que j'ai travaillé dans Closing Time. Même si l'idée
de déchéance qui était dans Closing Time est moins
présente. L'Homme... est un peu plus optimiste, et ça c'est sans
doute parce que j'ai pris de l'âge et eu des expériences qui m'ont
donné une certaine sagesse.

Quels sont les
réalisateurs japonais contemporains que vous admirez le plus?

Hmmm (il réfléchit)
Nobuhiro Suwa. Il n'a rien à voir avec moi, nos deux mondes sont très
différents, mais je m'intéresse beaucoup à l'atmosphère
et au monde de ses films.

Que pensez-vous
de Takeshi Kitano?

J'aime beaucoup
ses films, il ne montre pas directement les choses, il les évoque par
petites parties, par divers biais. Et je pense que Nobuhiro Suwa comme Takeshi
Kitano ont vraiment des mondes très personnels, et c'est ça que
j'aime vraiment chez ces deux réalisateurs. Ils réussissent à
montrer leur propre monde.

Avez vous vu
Audition de Miike Takashi, dans lequel votre ami Ryo Ishibashi se fait
couper en morceaux à la fin? Et si oui, qu'en avez-vous pensé?

Ce que j'en ai
pensé? (il prend un air incertain) Oooops.... (rires) Vous avez aimé
Audition? Moi, pas beaucoup. C'est une imitation de Misery. Ce
n'est pas une histoire originale.

Quelle sorte
d'acteur est Ryo Ishibashi?

Il est très
indépendant, pendant le tournage il travaille beaucoup tout seul, il
écrit. Moi et Ken Ogata, on riait et on discutait tout le temps. (rires)
Mais Ryo est très sérieux quand il travaille. Ryo est autonome,
Ogata est plutôt dans la communication.

Quels sortes
de films aimeriez-vous réaliser à l'avenir?

J'aimerais bien
faire des films de suspense comme ceux d'Hitchcock et des comédies. J'adore
Les Ripoux de Claude Zidi! Je m'en souviens encore (il chantonne le thème
du film)

Comment s'effectue
la distribution de vos films?

Ca change en fonction
de chaque film. Koroshi a été distribué dans dix
salles réparties dans tout le Japon, mais n'a pas eu de succès.
Pour L'Homme..., je suis en train de voir. J'aimerais qu'il soit distribué
dans tout le pays. Ce que j'ai très envie de faire, c'est de le présenter
à Mashike, la ville où il a été tourné. Il
n'y pas de cinéma dans cette ville, mais on va faire ça de manière
un peu informelle, on va improviser un écran, et on va faire venir tout
le monde.

Que ressentez
vous par rapport à la présence d'Imamura dans la compétition
cannoise cette année?

J'aurais bien aimé
être moi aussi choisi en compétition officielle... (rires) Ken
Ogata aurait ainsi eu beaucoup de raisons de venir à Cannes, et il serait
venu avec moi. J'aurais aimé venir avec lui cette année. C'est
dommage. (en français) Toujours dommage...

Robin
Gatto & Nassim Maoui

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