La 10ème édition du festival international du film documentaire sur la ruralité se tiendra du 15 au 18 mai 2008 à la salle René Bertin de Ville-sur-Yron.
"Caméras des Champs" a pour objectif de montrer les mutations des mondes ruraux à travers la projection de films documentaires initiant débats avec le public, table ronde, conférences et atelier de lecture à l'image.
Site internet du festival : www.villesuryron.com
Interview du Président:
…Déjà dix ans que nous nous rassemblons pour entendre battre le souffle des mondes ruraux, mondes d'ici et mondes d'un peu plus loin.
Nous sommes à la fois étonnés et un peu fiers d'avoir maintenu le cap d'une aventure qui n'était pas tracée d'avance. Un peu fiers et pourtant, ni vraiment sereins, ni franchement rassurés. L'expérience est toujours un peu fragile qui consiste à vouloir faire vivre chaque année un tel rassemblement, avec une si petite structure …
L'échange d'idées, la culture, chacun le sait, a ceci de fragile qu'elle est à la fois dépendante des contingences matérielles et de la capacité à proposer une rencontre entre tous les acteurs du festival, cinéastes, réalisateurs, public, habitants, agriculteurs, élus, etc.
Le premier enjeu, la possibilité de rassembler finances et équipements, échappe en grande partie aux organisateurs, puisque la conjoncture globale, l'environnement politique général en fixe la régularité et le volume. Sans le soutien fidèle du Parc naturel régional de Loraine, des collectivités territoriales, (commune, communauté de communes du Jarnisy, Département de Meurthe-et-Moselle, Région Lorraine) et de la DRAC, sans le soutien de quelques mécènes généreux et sans la participation massive des bénévoles du village, le festival n'aurait pas lieu…
Mais nous le savons, les temps sont durs pour la culture et cette donne n'est jamais gagnée d'avance…
Cette part-ci dans la construction du festival nourrit des mois durant notre fébrilité.
Le second des enjeux, la faculté chaque fois renouvelée, de communier ensemble lors d'échanges parfois tendus, toujours vifs parce que les sujets embrassent l'actualité des campagnes et de tous ceux qui y vivent, relève lui de notre initiative. C'est notre préoccupation majeure dans la préparation du festival.
Mais là aussi, nous ne sommes pas seuls. Les documentaristes qui, par dizaines, nous postent leurs films et nous demandent en amont de partager leurs expériences, leurs visions du monde rural, nous aident à composer une partition dans laquelle devront se marier les horizons, les enjeux et les points de vue…
Cette part-là dans la construction du festival nous rend cette année encore plutôt optimistes. Le choix de ne pas s'enfermer dans un monde rural mythifié, mais au contraire celui d'aborder toutes les facettes qui le nuancent dans ses évolutions chaotiques, garantit la diversité, le mouvement et donc la vie.
Les mondes ruraux changent. Loin d'être repliés sur eux-mêmes frileusement, ils évoluent en prise directe avec les mues du monde. Les modes productifs changent et les ruptures économiques structurelles entraînent des perturbations familiales et des transformations sociales dramatiques. Partout les relations villes-campagne se modifient, l'espace, la nature, le climat deviennent des enjeux vitaux…
Et l'impact de ces accélérations, les documentaristes sont là pour le saisir et pour le renvoyer à notre réflexion collective.
Oui, les grands médias ont tendance à formater les perceptions du monde. Non, ces médias ne parviennent pas à tarir le sens critique du citoyen-spectateur, pour peu qu'il soit mis en éveil par des observateurs attentifs des mutations du monde…
Là est notre rôle si modeste soit-il.
Cette année encore, les documentaires présentés ne sacrifieront ni à la mode d'un monde rural perdu ni aux sirènes apaisantes du bonheur immanent des campagnes.
Les films nous diront l'angoisse des successions et de la déprise agricole, les contraintes de la mondialisation et de la dure loi du marché ici et dans le Sud ou encore dans les nouveaux pays de l'Europe élargie. Ils nous diront le moment présent et l'avenir des rapports citadins/ruraux, les espoirs d'une nouvelle vie ailleurs et les rejets de l'autre, le sort des femmes à la campagne, parfois acceptées, souvent méprisées et rejetées.
Dix ans, déjà, et pourtant si jeune encore, le festival espère avec ces nouveaux films tenir l'engagement qui est le sien : offrir aux documentaristes une opportunité de partager leur vision des choses, de confronter leur manière de décrire et d'écrire les mondes ruraux et permettre aux spectateurs d'en juger, d'en débattre et de repartir ainsi un peu moins formatés, un peu plus libres.
Luc Delmas - Directeur du festival