LEOPARD D’HONNEUR – ERMANNO OLMI
Sur la Piazza Grande, le neuf août, Ermanno Olmi recevra le Léopard
d’honneur Longines au pas de course, car il n’a pas de temps à perdre. Il doit
terminer un film réalisé à six mains avec Abbas Kiarostami et Ken Loach,
étudier La fille du régiment de Donizetti pour une future mise en scène lyrique
et, déjà, il pense à la suite.
Preuve du paradoxe voulant qu’un élève médiocre puisse engendrer un grand
maître, jamais Olmi n’a pu, au cours de ses études en dents de scie,
apprendre de langue étrangère et , à ma connaissance, Kiarostami lui non
plus n’est guère polyglotte. On se demande d’ailleurs comment, ils arrivent à
collaborer. Peut-être, Ermanno parle-t-il en bergamasque et Abbas de
répondre en farsi: cela ne les a en tout cas pas empêché de progresser
ensemble, s’étant depuis longtemps reconnus comme des frères en images,
chacun admirant les films de l’autre.
Le cinéma possède un langage propre qui dépasse les dialogues,
transmettant des messages en une forme à la fois cryptée et
mystérieusement communicative. Il s’agit d’un système de signes, de
couleurs et de sons, fondé sur l’inspiration, dans lequel se reflètent ceux
qu’on peut désormais nommer les chevaliers du Léopard d’honneur. Une
véritable confrérie émerge en effet du médaillier de ce prix, une sorte
d’investiture immunisée contre les habituelles raisons externes (la renommée,
la politique, la chance), mais caractérisée par quelque chose de particulier au
sein des décorations du Septième art: le noble sceau d’un festival qui, depuis
1947, a réussi à devenir grand tout en demeurant, dans un certain sens, petit,
en restant fidèle à ses motivations originelles. Motivations qu’on résume en
français (langue originale de la manifestation) par l’expression: «amour du
cinéma».
L’amour, c’est bien; mais il faut aussi avoir pleine conscience que, tout au
long d’un siècle à certains égards atroce comme celui à peine clos, le cinéma
a représenté pour les masses l’indispensable usine à rêves et pour les initiés
un formidable terrain d’expérimentation et de découverte. Débutant comme
humble témoin du monde du travail, le premier à porter sur les écrans italiens
la réalité des chantiers et des barrages, souvent défini comme minimaliste en
raison de son respect pour la vie quotidienne , Olmi a toujours su déjouer les
définitions qu’on a voulu lui attribuer. Impeccable observateur du présent, il a enchanté tout le monde en revenant aussi au passé proche avec L’albero
degli zoccoli (l’arbre aux sabots); et, tout de suite après, il s’est mesuré à la fable et au mythe, toujours à cheval entre invention et document.

D’une curiosité à l’autre, son cinéma est devenu international, a trouvé des
toiles de fond diverses et des dimensions imprévues. A tel point que certains,
en le voyant mettre en scène des batailles médiévales ou des abordages de
pirates chinois, ont commencé à parler d’une dimension «kolossal».
La vérité est qu’Ermanno est né homme de spectacle dans le sens le plus
plein, embrassant le cinéma, le théâtre et la prose; et comme cela ne lui
suffisait pas, il a joué la comédie, peint, écrit (plusieurs prix littéraires lui ont d’ailleurs été attribués) et a affiné sa capacité à choisir lui-même les musique de ses films. Ayant tous ces dons, il ne les a presque jamais mis au service d’initiatives extérieures. Chaque fois qu’il commence un projet, c’est lui qui le conçoit, le prépare en détails et le mène à termes, occupant si possible tous les rôles. Je me souviens que Vittorio De Sica, un poète du cinéma qui dut malgré lui réaliser des films de commande, voyait Olmi avec une jalousie mal dissimulée: «explique-moi comment tu fais, pour arriver à ne tourner que les films que tu veux… ». Ce fut une des seules fois que j’ai aperçu Ermanno rougir et même incapable de répondre à la remarque du maestro. Olmi est un prototype et il est inutile d’essayer de faire comme lui, l’imiter est impossible.
Dans le genre «vie, mode d’emploi», de sa parabole artistique et humaine, on
ne peut au maximum que tirer quelques suggestions. Aimer son prochain,
sans trop exagérer. Prendre en considération ce qui est utile et ignorer le
reste. S’impliquer corps et âme dans le travail en cours, comme s’il était la
preuve même d’un droit à l’existence. Et, dans les limites du possible, prendre
les choses (et notamment les prix) avec le sourire et se préparer à passer à la
suite.
Le Film
CANTANDO DIETRO I PARAVENTI
de Ermanno Olmi - Italie – 2003 – 100 min.
avec Bud Spencer, Jun Ichikawa, Sally Ming Zo Ni
LA PATTUGLIA DI PASSO SAN GIACOMO
de Ermanno Olmi – Italie – 1953 – 13min

MANON : FINESTRA 2
de Ermanno Olmi -1956 -13 min
Leopard d’Honneur Longines
Longines un nom qui évoque l’élégance tout comme le Pardo d’honneur
représente la partie scintillante de notre Festival. C’est l’occasion idéale pour faire rencontrer la prestigieuse montre et le pardo de Locarno et former
ensemble « a winning team » et honorer ainsi les personnalités du cinéma
mondial.