Entretien avec
ParKi-Hyung, réalisateur de Secret Tears
Sorti tout chaud
de la compétition du 25ième Festival de Rotterdam,
Secret
Tears a enchaîné avec le programme thématique de
8 films fantastiques sud-coréens proposés au 19ième Festival
International du Film Fantastique, de Science-Fiction & Thriller de Bruxelles.
L'occasion pour Filmfestivals.com de se pencher sur un réalisateur très
prometteur dont le premier film Whispering Corridors, a été
un énorme succès en Coréee en 1998.
Secret Tears
est votre deuxième film fantastique. Etes-vous un amoureux des films
de genre?
N'importe quel
genre me convient - l'horreur, le fantastique, les films d'action, le mélodrame
- tant que l'histoire est intéressante. Le genre que je choisis dépend
de l'histoire que j'ai à raconter. Tout dépend en fait de l'histoire.
Il y a des élements
de fantastique et d'horreur dans vos deux films. Est-ce à dire que vous
avez des affinités plus particulières pour ces deux composantes?
Pour moi, les films
sont comme des rêves. J'aime parler de la réalité, mais
au travers d'élements fantastiques. Je ne veux pas coller à la
réalité, j'aime les scènes fantastiques qui parlent de
la réalité, j'aime avoir le fantastique et la réalité
en même temps.
En matière
de style, avez-vous des influences, des modèles?
J'aime particulièrement
le style de David Lynch et de Peter Greenaway.
Secret Tears
parle de pouvoirs surnaturels, mais vous ne dites jamais s'ils sont bénéfiques
ou maléfiques...
J'ai commencé
ce film avec une question: "Si nous avions des pouvoirs surnaturels, qu'en
ferions-nous?" Nous avons tous un pouvoir en nous, un pouvoir naturel,
exploité ou non. Mais si nous avions des pouvoirs surnaturels, que se
passerait-il? Pour le film, j'ai choisi la télépathie, la communication
sensorielle. On commence le film en montrant ces pouvoirs de manière
positive, et puis, à mesure que le récit progresse, on en découvre
des aspects plus négatifs.
Ce qu'on découvre
alors n'est pas si éloigné de classiques comme Carrie de
Brian de Palma ou Cat People de Jacques Tourneur...
Ce sont deux films
que j'apprécie beaucoup, surtout Carrie, qui fait un parallèle
entre les pouvoirs surnaturels et les crises de la puberté. Cat People
contient des élements plus religieux, des situations amour/mort.
Je me suit dit pour ma part: "Que pourrais-je raconter de plus dans ce
domaine?" Et j'ai pensé à un amour transformé par
des pouvoirs surnaturels et qui se heurte aussi à certaines barrières
sociales. Je voulais décrire une sorte de trajet initiatique autour de
ça.
Quels sont les
problèmes sociaux que vous avez tenu à mettre en exergue?
Les grandes différences
d'âge dans les relations amoureuses. C'est quelque chose de mal vu, surtout
en Corée. La prostitution des adolescentes pour acheter les produits
de leurs rêves. Le fanatisme religieux avec la mère de la fille,
qui est une fanatique chrétienne. Les pouvoirs de la fille viennent de
tous ses sentiments refoulés, et ils la révèlent à
elle-même et aux autres avant sa mort. A cause des circonstances sociales,
son amour devient impossible et ses pouvoirs deviennent de plus en plus dangereux.
Donc c'est un
amour "socialement impossible"?
Eh bien, il y a
principalement deux choses: la grande différence d'âge, et le fait
qu'elle ait tué ses parents. C'est quand même une croix très
lourde à porter en société! Même si leur relation
était heureuse, il y aurait toujours des gens pour les dénoncer
et être contre eux. En plus, la fille pense qu'elle n'a pas sa place dans
la société. C'est pourquoi elle se suicide par noyade à
la fin du film.
Je vois un parallèle
intéressant entre ce film et vous: vos pouvoirs à vous, ce sont
vos films. Et lorsque vous avez fait Whispering Corridors, vous avez
rencontré des barrières sociales, des associations de professeurs
ont fait pression contre le film...
C'est vrai, mais
mon intention en faisant Whispering Corridors était de montrer
l'energie formidable des jeunes gens d'aujourd'hui, notamment des jeunes femmes
qui sont bien plus fortes que les hommes. Lorsque j'ai fait le film, j'ai rencontré
de nombreuses lycéennes et elles m'ont communiqué une énergie
vraiment incroyable. C'était vraiment le plus important pour moi, de
montrer l'énergie de cette jeunesse.
La suite de
Whispering Corridors, Memento Mori, contient la même énergie.
L'avez-vous vue?
Oui, je l'ai vu,
et je pense que le sujet essentiel du film, c'est l'histoire d'amour homosexuelle.
Donc Memento Mori est très différent de Whispering Corridors
à cet égard.
La magnifique
scène de l'accident de voiture dans Secret Tears est filmée dans
des tons très fantastiques, très manga, avec un découpage
de plans figés incroyable...
Oui, vous avez
raison à propos des plans "manga". Pour lancer l'univers surnaturel
du film, je voulais un détonateur, une amorce. Et cette scène
d'accident de voiture constitue vraiment l'entrée dans l'univers fantastique
du film. C'est pourquoi elle est filmée de manière très
esthétique, avec ces plans figés.
Comment avez
vous tourné cette séquence?
Nous avons d'abord
filmé l'actrice en train de tomber dans une piscine, puis nous avons
détaché sa silhouette sur un ciel de pluie.
Tous les éléments
fantastiques du film sont vraiment utilisés d'une manière très
émotionnelle, empathique...
Oui, tout à
fait, c'est très important pour moi de me concentrer sur les personnages,
de les révéler.
Au début,
le rythme du film est très lent, puis les évènements s'accélèrent
de plus en plus...
Au début,
le rythme est très lent, parce que je veux qu'on entre petit à
petit dans l'univers fantastique, dans ce voyage vers l'inconnu. C'est important
de commencer lentement et de découvrir lentement, prudemment, les pouvoirs
surnaturels. Dans la deuxième moitié du film, les choses s'accélèrent
parce que le personnage masculin découvre de plus en plus de choses sur
le passé de la jeune femme. Le film rentre alors davantage dans la réalité.
La fin du film
est très sombre, triste, pessimiste...
Pas tant que ça...
Je pense que les pouvoirs surnaturels qui sont montrés ne sont ni positifs
ni négatifs. Dans la vie, nous sommes parfois pris au piège de
nos propres capacités et de nos propres limites. Si nous parvenons à
contrôler notre énergie, nous avons le pouvoir d'être heureux,
si ce n'est pas le cas, nous ne sommes pas heureux. Dans ce sens, la fin du
film demeure ouverte...
Entretien
réalisé par Robin Gatto au Festival de Rotterdam 2001