L’orage qui s’était abattu sur Rotterdam depuis le début des festivités, et avait retardé l’arrivée de bon nombre d’invités, semble s’être totalement dissipé. Mais si le soleil règne dans un ciel sans nuages, c’est sur les écrans que la tempête fait rage avec un ouragan japonais du nom de Miike Takashi.
Le réalisateur de Audition et de Visitor Q (qui devraient sortir prochainement en France) est venu à Rotterdam avec 4 longs métrages, tous réalisés en 2001, battant ainsi son record de sélection de Vancouver 1998 d’un film. Cette sélection a tellement étonné que lors d’une conférence de presse avec Miike-san et son acteur Asano Tadanobu (de Ichi the Killer), un journaliste a demandé au directeur du Festival si cela s’était déjà produit auparavant. « Jamais avec des longs métrages » a répondu Simon Fields.
Alors que le festival s’engage dans sa dernière partie avec des séances qui commencent très tôt le matin, les premiers résultats du vote du public ont été publiés et sont pour le moment favorables au film de l’Esquimau Zacharias Kunuk Atanarjuat, Caméra d’Or à Cannes l’année dernière.
Faisant une pause dans le montage de son prochain film, Ken Loach est venu à Rotterdam présenter The Navigators. Le réalisateur britannique a répondu à quelques questions du public avant la projection en expliquant les motivations qui l’ont poussé à faire un « film social de plus ». « Quand j’ai reçu la lettre de Rob Dawber, le scénariste, c’était écrit : « Vous devez faire ce film » » a-t-il confessé avant de s’amuser sur le fait que la salle du complexe Pathé où avait lieu la projection était bien trop grande pour « un petit film tourné en 16 mm ». Loach a également souligner que son but avec ce film n’était pas de faire un constat sur la privatisation du chemin de fer en Grande-Bretagne, mais plutôt un film sur les gens, les relations humaines et la complexité de leurs vies durant cette période trouble, en espérant qu’à la fin, The Navigators laisserait au spectateur « plus qu’un message ».
Mêlant comédie et drame avec brio, The Navigators est, malgré ce que Ken Loach en dit, une virulente dénonciation du capitalisme et un hommage poignant à la mémoire du regretté scénariste Rob Dawber, ancien employé des chemins de fer.
Les nuits du festival de Rotterdam sont bien remplies avec des fêtes où réalisateurs et invités peuvent discuter tout en écoutant de la musique. Au cœur de la nuit, on apprend ainsi des anecdotes intéressantes comme celle racontée par le cinéaste australien Steve Jacobs, auteur de l’épicé La Spagnola qui compte parmi les favoris du public.
« Nous avons tourné La Spagnola aux studios de la Fox en Australie, juste à côté du plateau de Moulin Rouge. » raconte Jacobs. « Quand nous avions besoin de quelque chose pour notre petite production, il nous suffisait d’aller sur leur plateau avec une bouteille de vin et d’emprunter le matériel qu’il nous fallait ! »
Après Jacobs, la rock star japonaise Asano Tadanobu (et acteur vu dans des films comme Tabou de Nagisa Oshima ou Gojoe de Sogo Ishii) est monté sur scène pour répondre timidement à des questions sur sa célébrité dans son pays. « Est-il vrai qu’on vend des poupées à votre effigie au Japon ? »demande l’hôte. « Oui, répond Asano, et les collectionneurs les achètent toutes pour pouvoir les revendre ensuite à un prix plus élevé. » L’acteur a ensuite répondu à des questions sur la violence de Itchi the Killer de Takashi en soulignant que « le tournage était comme un lieu clos où tout le monde se sentait à l’aise, même si Itchi n’est un film familial. » En effet le film a été interdit aux moins de 18 ans au Japon, faisant ainsi plus fort que Battle Royale de Kinji Fukasaku, l’autre provocation nippone qui avait tonné ici même l’année dernière. Ce qui fait de Rotterdam un must pour découvrir les nouveaux films cultes de l’Empire du Soleil Levant.
Robin Gatto
Traduction : Yannis Polinacci
Rotterdam 2001