Thierry Frémaux
est avec Véronique Cayla l'un des deux nouveaux directeurs à la
tête du plus grand festival du monde. Après une carrière
à l'Institut Lumière de Lyon, il a rejoint Gilles Jacob au poste
de Directeur Artistique à la fin de l'année dernière et
s'occupe avec lui de la Sélection Officielle.
Quelles sont
les spécificités de cette nouvelle sélection ?
Il y a 23 films
en compétition, 23 films à Un Certain Regard. Nous avons vu plus
de 1500 films, et nous pouvons dire que le cinéma est toujours le meilleur
témoin de son époque. Beaucoup films viennent de pays variés,
avec une présence affirmée du Japon. Nous savons depuis des années
que le cinéma asiatique est l'un des meilleurs du monde. Nous avons aussi
un retour des films de studio américains : Shrek, un film d'animation
du studio Dreamworks sera présenté en compétition, ainsi
que le film d'ouverure Moulin Rouge produit par la Fox. Mais nous avons
aussi des indépendants comme les frères Coen ou David Lynch qui
revient avec un très beau film, et aussi l'acteur-réalisateur
Sean Penn qui a tourné avec Jack Nicholson. C'est aussi le retour de
l'Italie, parce que l'année dernière hélas aucun film italien
n'était en compétition. Cette année Nanni Moretti et une
ex-palme d'or Ermanno Olmi, qui avait gagné avec L'Arbre aux Sabots
en 1978, sont en compétition et nous avons sélectionné
une jeune réalisatrice Francesca Archibugi dans Un Certain Regard. Nous
avons vu beaucoup de films italiens et beaucoup auraient pu être présents
en compétition.
La sélection
française est bonne avec quatre films en plus du film de clôture,
mais je ne peux pas m'empêcher d'insister sur des petits pays, la Bosnie
par exemple, nous avons un film bosniaque en compétition, c'est une première.
Une province du Nord du Canada, la province des Inuits, a produit un merveilleux
film dans le Nord, dans la neige avec des acteurs non professionnels. Nous tenions
à le prendre car c'est film si étrange, si fort. Je pense qu'une
des missions de Cannes est aussi de présenter des films à part,
d'auteurs inconnus. On peut dire que nous avons beaucoup de grands auteurs comme
Abel Ferrara, qui fait l'ouverture de Un Certain Regard, Hal Hartley, Jacques
Rivette, Jean-Luc Godard, Manoel de Oliveira, mais aussi beaucoup de jeunes
réalisateurs français ou européens.
Et cette année
le film d'ouverture est en compétition...
Oui, cela faisait
des années que cela n'avait plus été le cas. Nous voulions
montrer que la soirée d'ouverture était une soirée qui
compte. Pour nous, c'était très important de montrer un grand
film et le meilleur moyen de montrer que c'est un grand film, c'est de le mettre
en compétition. Ainsi, Moulin Rouge sera en compétition.
Pour le film de clôture, Les Ames Fortes, c'était bien sûr
impossible de le mettre en compétition, mais il aurait pu y être,
il en a le niveau. Nous tenions à dire qu'il n'y avait pas de sélection
"pour le plaisir". C'est une question de qualité. Nous sommes
très fiers de ce que nous avons vu. Je tenais à ajouter que si
un film n'est pas sélectionné à Cannes, ce n'est pas parce
qu'il est mauvais. C'est très important de le souligner, parce que c'est
si dur pour nous de faire des choix. Nous avons 23 films en compétition,
mais il y a 20 ou 30 autres films qui auraient pu également y figurer.
Pourquoi une
telle présence japonaise dans la sélection ?
Nous avons vu ces
films japonais séparément et nous les avons tous trouvés
très bons. Bien sûr, nous avons hésité, mais avec
Gilles, nous nous sommes dit : "C'est la règle du jeu. Il y beaucoup
de films japonais qui sont bons, eh bien, prenons-les !" C'est pourquoi
nous en avons mis trois en compétition, trois à Un Certain Regard
plus un en scéance de minuit. Je pense que c'est une très bonne
façon de montrer que si le Japon, en tant que pays, connaît des
problèmes actuellement par rapport à sa mentalité traditionnelle,
le cinéma est le meilleur moyen de comprendre pourquoi. J'aime aussi
cette idée d'avoir en compétition deux jeunes réalisateurs
(Hirokazu Kore-Eda et Shinji Aoyama, ndlr) et un vieux maître : Shohei
Imamura qui a déjà gagné deux fois la Palme d'or et qui
est de nouveau en compétition cette année.
Comment avez-vous
fonctionné pour la composition du jury ?
Gilles Jacob voulait
mettre dans le jury des gens de différentes nationalités et de
différentes sensibilités cinématographiques. Evidemment
nous tenons compte de la sélection avant de composer le jury. Nous ne
pouvons pas pendre quelqu'un qui a un ami ou un ancien collaborateur dans la
compétition. Il faut y faire très attention. Vous savez combien
le palmarès est important pour tout le monde.