Le « plus grand cinéaste français » est de retour cette automne dans l'actualité cinéphilique – et au festival Lumière.
Au menu :
- Renoir, le nouveau film de Gilles Bourdos (Disparus, Inquiétude, Et après) qui évoque les rapports du jeune Jean Renoir, de retour blessé de la guerre, avec le modèle de son père Auguste Renoir, qui deviendra sa femme, et sa première actrice.
Grâce à Mars Films, son distributeur, le film est présenté en avant-première au Comœdia et à l'Institut Lumière.
- Renoir, la biographie définitive de Pascal Mérigeau (Flammarion) qui sort en librairie en octobre. L'auteur sera là et dialoguera avec Gilles Bourdos.
- Le Carrosse d'or (1952) : invisible depuis longtemps, l'un des films les plus admirables et les plus méconnus de Jean Renoir revient sur les écrans. Une copie restaurée (par TF1 DA, distribution Les Acacias) lui restitue toute sa splendeur.
- La Règle du jeu (1939) : le grand classique du cinéma français, sorti amputé avant-guerre, redécouvert dans les années soixante grâce au montage définitif révisé par Renoir, revient aujourd'hui dans une copie restaurée grâce à la technologie numérique, par Les Grands Films Classiques.
Le résumé
1915. Sur la Côte d'Azur. Au crépuscule de sa vie, Auguste Renoir (Michel Bouquet) est éprouvé par la perte de son épouse, les douleurs du grand âge, et les mauvaises nouvelles venues du front : son fils Jean (Vincent Rottiers) est blessé. Mais une jeune fille, Andrée (Christa Théret), apparue dans sa vie comme un miracle, va insuffler au vieil homme une énergie qu'il n'attendait plus. Éclatante de vitalité, rayonnante de beauté, Andrée sera le dernier modèle du peintre, sa source de jouvence. Lorsque Jean vient passer sa convalescence dans la maison familiale, il découvre à son tour, fasciné, celle qui est devenue l'astre roux de la galaxie Renoir…
En savoir plus
Après sa présentation au Festival de Cannes, avant-première nationale du film à Lyon : vendredi 19 octobre à 19h30 au Comœdia et jeudi 18 octobre à 19h45 à l'Institut Lumière.
En présence de Gilles Bourdos et de Christa Théret, ainsi que de Pascal Mérigeau.
Le livre définitif sur Renoir
par Bertrand Tavernier
Disons-le simplement, le Renoir de Pascal Mérigeau est sinon la meilleure biographie critique écrite sur un cinéaste, du moins l'une des deux ou trois meilleures. Qui évite tous les pièges de certains ouvrages américains qui sacrifient l'esthétique des films, leur force artistique, bref l'analyse critique à des détails biographiques, des ragots intimes le plus souvent haineux et rances. Welles ou Losey ont été les victimes de ces approches. Rien de tel ici. Les analyses de Mérigeau sont concises, denses, passionnées. Il débusque des touches, des inventions typiquement renoiriennes dans un film de commande (comme cet Amazing Mrs Holliday signé Bruce Manning, avec Deanna Durbin où, révélation stupéfiante, l'on découvre pour la première fois que Renoir a tourné quarante-sept jours sur les quarante-neuf du plan de travail initial), évoque merveilleusement les beautés de La Règle du jeu, de Une Partie de campagne. Bref, il parle de la mise en scène, du style souvent génial, innovant du cinéaste.
Il évoque aussi les conditions de tournage souvent ahurissantes qui déterminent des choix artistiques, expliquent le ratage de Vivre Libre, La Femme sur la plage, de nombreuses séquences de Madame Bovary, les incertitudes du Carrosse d'or. Les chapitres sur Une Partie de campagne, La Grande illusion, Le Fleuve nous révèlent des faits surprenants. C'est que Pascal Mérigeau n'est pas soumis à une vision auteuriste. Il bouscule la doxa, réfute un très grand nombre d'interprétations, met à mal bien des légendes, des mensonges créés par Renoir et colportées par d'aveugles thuriféraires. Non, Renoir ne fut pas un adepte systématique du décor naturel. Il adorait le studio. Les séquences soi disant improvisées figurent intégralement dans les scénarios, les mouvements d'appareil « inventés sur le plateau » – par exemple dans Le Crime de Monsieur Lange – sont décrits dans le premier découpage. On découvre la part prise par Paul Fejos au montage de La Chienne, l'incapacité de Renoir à s'adapter aux studios américains et ce, parfois, à bon escient. Mérigeau ne cache pas la part d'ombre ni les zones noires : la manière qu'a Renoir d'éliminer ses collaborateurs, ses co-scénaristes, au fur et à mesure des interviews, des versions de ses mémoires (cf le traitement de Carl Einstein pendant Toni), ses prises de position politiques honteuses en 1940, les propos teintés d'antisémitisme, son soutien à Mussolini. Mais il conserve sinon une sympathie (il est difficile d'approuver le traitement de Becker par Renoir, son opportunisme politique, son égoïsme), du moins une empathie chaleureuse. On comprend, sans les excuser, certaines prises de position. « Renoir, c'est le traitre intégral » dit Charles Spaak qui ajoute : « Mais quoiqu'il fasse, on ne peut pas lui en vouloir ». Au passage, il réfute les accusations d'antisémitisme portées contre La Grande illusion (et cite une attaque inouïe et abjecte de Céline) comme le soi-disant message pacifiste. Mérigeau, sévère à juste titre pour certains ratages (ses pages sur le fiasco d'Elena et les hommes mettent à mal les délires qu'on a pu lire sur le film), donne terriblement envie de revoir bien des œuvres à commencer par le Déjeuner sur l'herbe, en tout cas sur les extérieurs dont il vante la splendeur. On découvre aussi avec stupéfaction à quel point les thuriféraires de Renoir qui glosaient sur Le Testament du docteur Cordelier ont totalement ignoré les remarquables Carnets du Capitaine Georges, livre incroyablement passé sous silence par la presse. Et j'ai été très touché par le récit des dernières années, entre deux femmes castratrices et terriblement réactionnaires, qui expurgent ses souvenirs, censurent son livre de Mémoires, l'empêchent d'écrire un recueil de lettres et fabriquent une légende. Il nous donne à voir et à comprendre et d'une certaine manière écrit un livre qui regarde l'homme et ses films comme ce dernier regardait, dans ses chefs d'œuvres, ses personnages, un livre qui montre les raisons de chacun et toutes celles du cinéaste même si certaines ne sont pas glorieuses.
Bertrand Tavernier
Pascal Mérigeau est écrivain, historien et critique de cinéma. Il est aussi journaliste au Nouvel Observateur. Il a écrit plusieurs ouvrages sur le cinéma, dont Pialat, la rage au cœur (Ramsay), Depardieu (Flammarion) ainsi qu'un très remarqué Mankiewicz (Denöel). Il a reçu le Prix Raymond Chirat du festival Lumière en 2009 pour ses recherches sur Renoir.
La restauration
La restauration du Carrosse d'or a été faite à partie des négatifs trichromes Technicolor, procédé rare en France à l'époque, que Renoir utilise pour offrir des couleurs à la fois éclatantes et domptées. Un tournage en plusieurs langues a souvent été évoqué, mais cette restauration a démontré que la version originale est anglaise, conformément aux propos de Renoir. Cependant, une seconde fin a été découverte, identique à la première, à ceci près qu'elle fut tournée… en français.
Une restauration TF1 DA, en avant-première de sa ressortie en salles par Les Acacias le 31 octobre 2012.
Le résumé
Dans une colonie espagnole d'Amérique du Sud, une troupe de commedia dell'arte vient rompre la monotonie du petit royaume conformiste. Bien qu'accompagnée de son fidèle amoureux Felipe (Paul Campbell), Camilla, « la Colombine » (Anna Magnani) séduit les deux principaux hommes de pouvoir du lieu : le vice-roi Ferdinand (Duncan Lamont) et le toréador Ramon (Riccardo Rioli). Felipe lui propose une vie tranquille de tendresse, le toréador une vie passionnée et triomphante, le vice-roi la fortune et les honneurs du monde…
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Projections : Pathé Cordeliers mardi 16 à 17h10 et mercredi 17 à 22h10 | Comoedia jeudi 19 à 17h | Pathé Bellecour samedi 20 à 21h45.
(attention, le Pathé Cordeliers remplace le CNP Terreaux – les séances sont aux mêmes heures + 10 min)
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La restauration
La restauration de La Règle du jeu de Jean Renoir, mutilé à sa sortie en 1939, et dont le négatif original a été détruit en 1942, fut reconstitué par Les Grands Films Classiques après plusieurs années de travaux avec l'approbation de Jean Renoir. Cette version intégrale (vingt-cinq minutes supplémentaires) effectuée à partir de différents éléments (contretype réduit à 1h20, copie d'exploitation, rushes) est sortie sur les écrans en 1965 permettant sa redécouverte par toute une génération. Le développement des techniques numériques a permis une nouvelle restauration. Après avoir rassemblé tous les éléments en sa possession, le distributeur Les Grands films Classiques a effectué une sélection des meilleures sources possibles. Les défauts de chaque image ont été éliminés et les images manquantes reconstituées. Le son a lui aussi été restauré.
Distribution : Les Grands Films Classiques.
Le résumé
France, 1939. L'aviateur André Jurieux (Roland Toutain) a accompli l'exploit de traverser l'Atlantique par amour pour Christine, marquise de La Chesnaye (Nora Gregor). Mais la Christine, loin d'avoir répondu à l'appel du héros, s'est rapprochée de son mari, Robert (Marcel Dalio). Par dépit, Jurieux tente de se suicider. Son ami Octave (Jean Renoir), confident de la famille La Chesnaye, convainc Christine et Robert de recevoir Jurieux dans leur château de Sologne à l'occasion de la partie de chasse qu'ils y organisent. Celle-ci est suivie d'une grande fête au cours de laquelle des couples se font et se défont à un rythme de plus en plus rapide…
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Projections : Dardilly mardi 16 à 20h30 | Pathé Cordeliers mercredi 17 à 19h40 | Comoedia vendredi 19 à 10h45 | UGC Cité Internationale samedi 20 à 15h30.
(attention, le Pathé Cordeliers remplace le CNP Terreaux – les séances sont aux mêmes heures + 10 min)