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CAMÉRAS DES CHAMPS : festival international du film documentaire sur la ruralité 
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Editorial de Luc Delmas Directeur du festival

"Nous voici à nouveau à proposer quelques moments de dépaysement et de trop rapides échanges citoyens autour de la vingtaine de documentaires choisis parmi les dizaines que les réalisateurs nous ont envoyés cette année encore. Choix toujours difficile entre ce qu'ils souhaitent nous dire et la façon dont leur caméra l'exprime ! Entre colère et mélancolie, entre espoir et solutions, ils vont encore une fois nous amener à regarder de plus près les mondes ruraux comme ils vont. Et ils évoluent vite ces mondes.

Derrière leur caméra, les réalisateurs nous montrent les changements qui s'opèrent sans que l'on y prenne toujours attention. La réalité reste souvent cachée derrière de vieux clichés, un peu comme se fixe abusivement une image sur la rétine, l'ancien s'impose à l'esprit alors que tout est déjà en train de changer. A peine avons-nous commencé à comprendre les enjeux d'une mondialisation et des rapports marchands cruels qu'elle sous-tend, que déjà des alternatives sont pensées, et à peine ce débat d'une autre façon de produire et de vivre à la campagne est-il engagé que ce sont à présent les expériences en cours qui nous interpellent et demandent toute notre attention...

Mettre le doigt sur ce qui va mal dans les campagnes du monde inspire toujours les documentaristes, accusant un système où domine le profit à court terme sans respect des terres, des sols, des paysages, des ressources en eau, des écosystèmes et même d'espèces menacées à l'image des abeilles ! Sans parler des paysans, salariés, exploités, déracinés de Roumanie à l'Espagne, de l'Afrique à l'Italie... des syndicalistes agricoles assassinés en Amérique latine pour garantir aux trusts le meilleur prix de la banane ou encore le mépris des populations locales par l'agrobusiness mexicain sacrifiant l'environnement de vallées entières à l'élevage porcin en batterie.

Comprendre comment les choses en sont arrivées là où elles en sont à présent, préoccupe ainsi tous les acteurs des films sélectionnés; ils cherchent à retrouver dans les situations actuelles difficiles, voire inacceptables, le fil qui permet de saisir la longue chaîne des causes matérielles, productives, financières qui ont présidé aux transformations récentes des campagnes... non pas pour regretter le temps passé, mais pour tenter de donner quelques pistes pour expliquer les mutations des rapports humains et les changements souvent irréversibles des paysages.

D'autres disent les effets indirects de ces longs enchaînements de causes et d'effets sur la vie des ruraux, sur la solitude, sur le désespoir aussi.

Se confirme ainsi ce que nous constatons depuis quelques années, le temps de la dénonciation et de l'alerte demeure, mais il est complété par des films relatant des chemins différents. Sans cesser de montrer du doigt le global, ces documentaires accompagnent ceux qui sans attendre ont choisi d'agir, seuls ou en groupes, nous donnant au détour de ces expériences en cours, des choix de vivre ou de produire autrement, quelques portraits singuliers et attachants.

Une résistance qui prend divers chemins. Produire autrement, vivre autrement, certes, mais miser sur l'avenir, combattre l'exode rural algérien par des projets sur place, combattre la dépendance par l'instruction en Afrique sahélienne, autant d'exemples qui donnent quelques raisons d'espérer.

Caméras des Champs revendique ce temps de l'échange d'idées et d'expériences. L'animation autour de tous ces sujets déborde désormais le seul temps du festival et occupe toute l'équipe au long de l'année, pour aider à la tenue de manifestations et de débats autour des enjeux actuels de la ruralité au sens large. Nous sommes de plus en plus impliqués dans le réseau des festivals de même nature et sans l'aide de ceux qui nous accompagnent depuis toujours, Foyer rural, Parc naturel régional de Lorraine, collectivités territoriales, partenaires financiers et intellectuels, l'entreprise ne tiendrait pas ! Mais elle est à un moment délicat de sa croissance. Sollicité de plus en plus, le bénévolat suffira-t-il désormais pour remplir ce travail ?"

Luc Delmas Directeur du festival