Réalisé en 1989 par Milos Forman, Valmont a retrouvé toute sa splendeur originelle après une minutieuse restauration du son et de l’image effectuée au sein du laboratoire de l’Immagine Ritrovata à Bologne.

Le 69ème Festival de Cannes rendra hommage à l’adaptation affranchie du célèbre roman épistolaire, qui apporte au chef-d’œuvre de Choderlos de Laclos, un parfum d’innocence et de légèreté. Après Amadeus et sa consécration aux Oscars, le réalisateur Milos Forman plonge au fin fond d’un XVIIIème siècle spectaculaire avec encore une fois un film d’époque.

Fasciné par le roman, le cinéaste tchèque brûlait d’envie de donner vie aux personnages pervers et obscurs inventés par Choderlos de Laclos. Pour mieux les comprendre, il refuse de partir du texte de Christopher Hampton écrit pour le théâtre (ce dernier sera finalement repris par Stephen Frears pour réaliser ses Liaisons Dangereuses) et sollicite Jean-Claude Carrière pour adapter très librement le roman en prenant soin de le rendre plus humain, plus cinématographique, moins théâtrale. C’est sous la plume du scénariste que naîtra Valmont, à la fois spectacle majestueux et drame intimiste.

D’emblée, le titre même du film affirme son indépendance par rapport à l’œuvre initiale. Valmont, c’est le vicomte séducteur et dominateur qui, face à la caméra de Forman, dévoile une vérité plus profonde que celle dégagée par le livre. Homme à femmes, incarné brillamment par le jeune Colin Firth, il apparaît dans le film plus fragile et moins froid que dans sa conception d’origine. Ce libertin dont les conquêtes ne se comptent plus, se révèle, au fil des plans, déboussolé par ses sentiments jusqu’à dériver vers une relation plus sincère auprès de Madame de Tourvel, vertueuse épouse d’un juge de paix. Valmont, c’est aussi l’outil de vengeance de la Marquise de Merteuil qu’interprète Annette Bening avec une perfidie transcendante. Par sa performance, l’actrice, jusqu’ici peu connue du public, s’illustre, soulevant ainsi l’enthousiasme de tous les professionnels du septième art. Veuve émancipée qui refuse d’être dépendante d’un homme, son apparence raffinée fait d’elle une prédatrice dangereusement séduisante.

Complices féroces dans le livre, Milos Forman a tenu, lui, à les distinguer faisant de Valmont une victime de Madame de Merteuil.

A sa sortie en salles, Valmont a beaucoup souffert du succès qu’a rencontré, quelques mois plus tôt, Les Liaisons Dangereuses de Stephen Frears. Mais avec le recul des années, l’œuvre de Milos Forman a fait preuve d’un nouveau retentissement auprès du public et des critiques, sans doute parce que le cinéaste a doté ses personnages d’une profonde vulnérabilité, inédite dans le roman de Choderlos de Laclos ou dans le film de Stephan Frears. Leurs psychologies, tout en finesse, soulèvent des dialogues pétillants plein de sarcasmes qui élèvent le film au sommet de sa réussite.

Porté par une mise en scène majestueuse, Valmont, tout comme le roman, préfigure la modernité des rapports amoureux et illustre le grand débat entre le Cœur et la Raison, si cher au siècle des Lumières.

Moins tragique que l’œuvre dont il est tiré, le film offre à ses personnages un avenir moins sombre, et réinterprète ainsi le chef-d’œuvre de Choderlos de Laclos pour offrir un pur moment de cinéma. Restauré en 2016, le film sera présenté au 69ème Festival de Cannes, en sélection officielle de Cannes Classics.