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Martin Scorsese Masterclass in Cannes

 

 

 

Interview de Bertrand Bonello, par Cécile Rittweger.

 

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TIRESIA
est le film que Bertrand Bonello vient présenter dans la section
THE CUTTING EDGE OF
FRENCH CINEMA
. Ayant fait l’entretien
avant la projection du film, je poserai des questions plus globales….

 

J’avais rencontré
Bertrand Bonello à Cannes en 2008, lorsqu’il avait présenté son dernier film,
De la guerre, à la Semaine de la Critique. On s’était croisé au Jimmy’s (où j’avais
pu rentrer et lui pas, allez savoir pourquoi…)  puis au baron où il était en compagnie de Clothilde Hesme.

 

Je le revois à San
Sebastian, dans l’hôtel Maria Cristina, avec une petite mine. Un rhume qui s’éternise…
Au début de l’interview je le sens un peu crispé, mais, étrangement, lorsque ma
caméra s’éteint et que je décide de poursuivre par écrit, cela semble le
soulager. C’est vrai que montrer son image quand on n’est pas en forme a
quelque chose de peu gratifiant…

 

L’entretien s’est donc
vite dégelé et a pris des airs de conversation. Ce qui suit n’en est pas une
retranscription littérale mais un compte-rendu aménagé…

 

 

CR : Etant donné
que vous vous êtes avant tout adonné à la musique, j’imaginais que vous pouviez
envisager la création d’un film selon un processus similaire à celui de la composition
musicale.

 

BB : La musique se
crée dans l’espace et le cinéma dans le temps. Bien sûr, dans l écriture de scénario,
ainsi que dans le montage, il est question de rythme, mais le processus global
de fabrication d’un film s inscrit dans la durée, comme pour l architecture: on
fait un plan, puis on établit un budget, ensuite on construit, et le travail se
boucle avec les finitions. Chaque étape annule la précédente, le retour en arrière
est impossible. L’objet film se transforme à chaque étape.

 

CR : Le réalisateur
est donc moins libre que le compositeur?

 

BB : Il est en tout
cas, comme tout artiste, plus libre que dans la vie réelle. Moi en tout cas je
me donne la liberté de créer un espace où je peux débrider mon imagination et
abolir les limites du réel (comme dans LE royaume du film De la guerre), mais
les contraintes viennent de l extérieur: c’est en amont qu’on empêche la liberté
de penser. Pour qu’un film voit le jour, et donc pour satisfaire les
financeurs, il faut  se plier un
minimum au système de pensée dominant. Moi je me bats contre ça.

 

CR : Vous considérez
vous donc comme élitiste?

 

BB : Pas vraiment,
dans le sens où mes films ne demandent pas au spectateur de fournir un effort
intellectuel mais au contraire de s'abandonner, de lâcher prise. En général,
les spectateurs qui n’ont pas aime mon film sont ceux qui ont justement fourni
un effort.

 

CR : Le plaisir du
spectateur ne s’obtient donc pas dans l effort. Toutefois il n est pas immédiat.
Comme dans De la guerre où le personnage est en quête de plaisir, vous pensez
que le spectateur doit rechercher son plaisir plutôt que de se faire imposer un
plaisir immédiat?

 

BB : Oui, notre
société pousse à des plaisirs immédiats qui endorment et abrutissent les gens.
Moi je parle d'un plaisir autre, vertical, qui élève. Par exemple l’ennui peut
contribuer au plaisir, il permet l action et la création.

 

CR : Dans De la
guerre, vous placez d’ailleurs le plaisir au cœur du combat qui est mené dans
le Royaume (dont le reine est jouée par Asia Argento). Pensez-vous que la quête
du plaisir doit passer forcément par une retraite dans une secte?

 

BB : Je n’aime pas
coller le mot “secte” au Royaume, car c’est un lieu que j’ai imaginé et qui se
veut hors du réel. Le mot “secte” renvoie à un jugement moral, or je ne veux
pas me positionner idéologiquement et je ne cherche pas non plus à impliquer le
spectateur moralement. Et puis, pour mon personnage, il ne s’agit que d’un
passage. Rien de définitif.

 

CR : Votre
personnage, vous l’avez dit, est un peu votre double. Pourquoi avoir choisi
Mathieu Amalric?

 

BB : C’est avant
tout une longue histoire d’amitié. Lui-même m’avait demandé au début de sa
carrière de réalisateur d’interpréter son double. Je ne l’avais pas fait, mais
lui a accepté! Et puis, comme il ne se revendique pas comme un acteur, je
trouve son approche du personnage beaucoup plus juste.

 

CR : Vous n’êtes
apparemment pas le seul à penser ça: Amalric se retrouve dans quasi tous les
films présentés dans la rétrospective du cinéma français! Et votre prochain
film, de quoi parlera-t-il?

 

BB : Je viens d’achever
le scénario. L histoire se déroule au début du 20ème siècle et met en scène la
vie dans les maisons closes.

 

CR : Encore le
plaisir et encore l’isolement dans un « royaume »? Qui sera cette
fois-ci la reine ?

 

A suivre….

 

 

 

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Reporting by Inés Barreda de Biurrun, Bruno Chatelin and Juncal de la Fuente.

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